Ah ça commence bien ! Une question ardue d’emblée !
Disons que je ne dessine pas spécialement réaliste en BD ou en illustration. J’aime souvent les difformités et les expressions exagérées. Mais j’essaie de simplifier au mieux pour privilégier le premier regard et la compréhension immédiate, ainsi que le message (dans un dessin d’humour par exemple). J’aime par exemple travailler souvent en deux couleurs, ou jouer sur les rapports de surface en noir et blanc. D’un point de vue esthétique j’ai été influencé tout jeune par Franquin et Gotlib, puis par les mouvances Fluide Glacial et L’Association avec notamment Larcenet (un dieu vivant) et Trondheim. Dans les nouveaux dessinateurs, je me sens proche de Libon ou Bouzard. Enfin bref vous aurez noté que je ne sais pas quoi répondre à cette question !

- Qu'est-ce qui vous à donné envie de participer à l'aventure "Coïncidence"?

Je ne connaissais pas l’excellent album-concept de Vehlmann quand notre ami Pollo, à l’origine de cette initiative, nous en a parlé. J’ai été tout de suite enthousiaste car je trouvais l’idée originale. J’aime ce genre de défi, d’autant que j’y trouvais des difficultés qui m’obligeraient à me dépasser. Et puis je suis un grand fan des jeux et exercices narratifs, comme on peut voir chez l’Oubapo.
D’un point de vue matériel, je me suis dis qu’il y avait peut-être moyen d’accéder à la célébrité de façon éhontée et d’avoir une limousine personnelle. J’avoue que sur ce dernier point, j’ai été relativement désappointé…

- Attendiez-vous quelque chose de cet exercice de style?

Au niveau personnel, comme je le dis précédemment, c’était un défi. L’occasion pour moi de me triturer les méninges sur des cadrages et une mise en page, et de passer vraiment du temps sur une planche, plus qu’habituellement. Au niveau collectif, j’attendais un résultat riche, et je n’ai pas été déçu ! Le fait de voir d’autres dessinateurs fournir un travail différent en ayant eu le même brief que soi est passionnant. Voir comment untel a traité certains passages délicats ou certains angles de vue est très enrichissant.

- Comment se présentent d'habitude les scénarios qui vous sont confiés ou que vous écrivez?

La plupart du temps, je fais moi-même mes scénarii, pour les planches de mon blog et pour les fanzines auxquels je participe. Généralement cela se présente sous la forme d’un « gribouillage » incompréhensible au crayon sur une feuille volante. Sur ce brouillon se trouve le découpage en quelques traits et des indications de textes et de dialogues. Comme je reviens et corrige toujours sur ce même brouillon, et qu’en plus je suis gaucher, c’est absolument illisible, sauf par moi heureusement ! Écrire comme un cochon est la solution ultime à tout piratage ! Et puis la vision finale est dans ma tête, donc pas de problème.
Les quelques fois où j’ai travaillé sur un scénario de quelqu’un d’autre, on fonctionnait globalement pareil, donc je n’ai pas été déstabilisé. Un scénario sous forme de descriptif case par case avec texte fourni, comme c’était le cas ici, est moins dans mes habitudes, mais c’est plutôt bien car ça permet au dessinateur d’avoir la maîtrise et la liberté de sa propre narration. A partir de celui-ci j’ai repris ma méthode du « gribouillage »…

- Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour mettre en page le scénario de Fabien Vehlmann?

Je dirai que la difficulté numéro 1 a été le texte très dense. Je n’ai pas pour habitude de faire des planches dotées de grandes tirades. Et là, la théorie développée par le personnage était un fleuve ! Monsieur Vehlmann semble être très volubile ! J’avoue avoir ragé à certains moments et l’avoir traité de tous les noms (que je ne répéterai pas ici). Je m’en excuse platement…
J’ai donc du m’adapter, ce qui m’a forcé à réfléchir au cadrage le plus judicieux à chaque case, pour réussir à placer le texte sans le dénaturer. Très intéressant mais difficile comme exercice.

- Qu'avez-vous changé ou fait évoluer par rapport au scénario original? Pourquoi ?

J’ai essayé de respecter au maximum le scénario, par soucis de respect envers Fabien Vehlmann, dont on n’avait pas l’accord officiel, et par soucis de coller au défi. Cependant j’ai modifié un ou deux détails pour privilégier le cadrage et le texte (par exemple dans la case en plan rapproché du visage où l’homme soliloque, il devait au départ aviser une cuillère sur la table. Mais je n’aurais jamais pu placer tout le texte si je n’avais pas décidé de faire un plan simple juste sur le visage dans cette case). Sinon j’ai ajouté un détail amusant sous forme de jeu de mot dans la première case… Il suffit de regarder le nom du café !

- Est-ce que le fait de savoir que 11 personnes réalisaient cette planche a changé quelque chose dans votre façon de travailler?

Oui et non. Disons que ça m’a encouragé à faire au mieux et de m’investir dans le projet. Mais d’un autre côté, ça ne m’a pas stressé plus que ça, et ne m’a pas du tout fait changer mes habitudes de travail. En dessinant je ne me disais pas « Oh la la ! Faut assurer car les autres vont faire des planches géniales ! ». Je pense que le fait que ce soit un projet pour le « fun », sans connotation professionnelle, et entre dessinateurs amateurs qui se fréquentent par Internet et par les blogs, a vraiment relativisé les choses. Par contre à posteriori, il y a quand même un impact, car j’ai scruté les rendus de mes camarades de jeux, pour voir comment ils avaient mieux géré certains passages. J’ai notamment adoré les travaux de Nusse et de Raphaël B. Mais bon ça, c’est une réaction assez courante, que j’ai à chaque fois que je lis une BD qui me plait. Je la détaille, m’en inspire, fais des essais, détourne et adapte. Et j’enrage quand ça ne rend pas ce que je veux !